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Récit Trail des Etoiles du 17/08/2025 par Philippe Gus

Catégorie : Récits de Trail

Récit Trail des Etoiles du 17/08/2025 par Philippe Gus

Trail des Etoiles 05

Parce que chaque trail est aussi une histoire personnelle, Philippe Gus, coureur vauclusien (pseudonyme), qui a participé au Trail des Étoiles le 17 août 2025, nous partage son expérience grâce au service MON RECIT DE TRAIL, ouvert à chacun.

Il est cinq heure du matin. Se découpe dans la nuit piquée d’étoiles, la masse noire des montagnes, mâchoires d’acier que nous autres, infimes microbes aux yeux embués de sommeil allons titiller les dents cariées de nos bâtons.
A la lumière des frontales, nous arpentons la première trace grise qui monte en lacets. Elle est usée des eaux comme des hommes, traversée de racines, de rus, de roche, de nous, silencieux hormis le murmure de nos souffle, le frottement de nos pas sur cette terre qui se dérobe.
Nous atteignons le col Fromage. Fait exprès que les vaches nous y attendent ? Nous coupons dans le troupeau, l’impression étrange de fendre au travers d’une assemblée solennelle d’ombres coiffées de cornes sous le violacé de l’aurore. Leurs yeux brillent par nos lampes, nous suivent jusqu’à ce que l’on se coule parmi le couvert d’une forêt, que l’on reprenne notre course.
C’est ressorti de l’autre côté que l’aube embrase enfin le ciel et les crêtes acérées des montagnes en face. On croirait voir l’épine dorsale d’un dragon qu’un démiurge aurait pétrifié, l’airain de ses écailles révélées par l’astre jour. Est-ce celui que Saint Véran aurait terrassé ?
Le spectacle transcende.
Nous courons sur le flanc de pareil léviathan, jetés dans l’ombre de son échine. La forêt nous prend puis nous rejète sur des travers de caillasses escarpés, s’éveille doucement à l’instar du village de Ceillac que nous apercevons en contrebas, lové dans la verdure de son étroite vallée.
Au détour d’un rocher, proue de navire suspendue au-dessus du vide, pin à crochets accroché à sa survie, survient la lande, ses terrasses girondes, coiffées de cheveux d’ange ballotés au gré d’une brise tiède. Nous montons derechef que le sentier est devenue terre.
Au col des Estroquets, le soleil nous frappe en pleine face, inonde d’or et d’émeraude le flanc que nous allons devoir descendre. Encore aux prises de l’ombre, Saint Véran nous attend de l’autre côté.
Nous attend aussi le premier ravitaillement, au bas de cet affalement raide qui reveille nos premières courbatures. Nous échangeons les premiers sourires. Les éclats de voix, les cris d’encouragements supplantent le clapotis de la rivière qui passe juste là.
Je traverse Saint Véran que je tape le bout de gras avec une jeune pâtissière briançonnaise. Nous nous lèverons tous deux aux prémices de l’aurore, le lendemain, pour aller travailler, nous amusons des conditions physiques avec lesquelles, il va falloir compter après cette course de cinquante six kilomètres et les deux ascensions qu’il nous reste…
Nous grimpons par-dessus les toits du village le plus haut d’Europe et dont le saint patron est originaire de Cavaillon, là où je suis né. Cependant, contrairement à Saint Véran, je n’ai point la prétention de vaincre un dragon, juste de le monter. Il se présente tout là-haut, noir, mais la vallée d’or qui y conduit, ses rochers luisants d’humidité à la façon d’onyx, son ruisseau, coulée de sang d’argent de la terre, lui confèrent davantage de majesté que d’austérité.
Cette course longue, au sein de cet écrin d’oripeau sera la plus traitresse. Le faux-plat montant, d’apparence facile aura raison d’un grand nombre de coureurs qui se rendront compte, bien plus tard et bien trop tard, lorsque les nausées les prendront sur les pentes des sommets, qu’il fallait mesurer son effort à cet endroit.
Mais ils n’en sont pas là, ni moi d’ailleurs. Nous sommes au pied du pic de Caramentran et c’est carnaval avant l’heure ! Dans le contrejour, nous apercevons les gens qui nous attendent sur sa crête, farandole de silhouettes noires découpées dans l’azur du ciel. Leurs cris, leurs cloches résonnent en échos, parviennent jusqu’à nos oreilles, nous encouragent à pousser sur nos cuisses, nos bras, que l’on franchisse ces marches qui nous séparent de la liesse humaine qui se tient à trois mille mètres d’altitude et à la frontière entre deux pays.
Au sommet, les corps exultent, le panorama est saisissant.
Un nuage magicien nous offre une partie de bonneteau avec le mont Visio, l’étreint puis le libère de ses longs doigts de vapeur, graciles. Un lac s’étire tout en bas, en Italie, nous renvoie le reflet du soleil, miroir de l’autre monde qui nous attend…
On y plonge littéralement par une sente abrupte.
1200 mètre de dénivelé négatif sur 5 km.
De quoi enflammer mon genou droit, me contraindre à la marche, forcée. Chaque douleur est un coup de poignard à mon égo de descendeur.
Il est midi que Chianale nous accueille d’une foule de sourires chaleureux, de « brava », « ciao » ! que j’en oublie ma blessure. On nous présente des pastèques, de la focaccia, des pizzas, de l’aqua fresca ou frizzante, nous offre des places sur un banc, une fontaine d’eau revigorante :
Le miracle de l’Italie.
J’ai du mal à la quitter que plusieurs fois, je me retournerai jusqu’à ce que disparaisse le village. Une part de mon sang vient d’ici, de ces vallées encaissées du Piémont et j’ai ce sentiment amer d’en avoir laissé couler d’une plaie.
Cicatrice al mio cuore.
Je compense ce chagrin en faisant la connaissance d’Olivier. Il vit en Hollande et travaille ses côtes sur un monticule de déchets végétalisé qui culmine à vingt-trois mètres d’altitude… Il a du mérite d’être ici, sur la pente raide qui nous conduit au col du Longet.
Les lacs s’y succèdent et nous font envie tant le soleil nous cuit, que nos réserves d’eau s’étiolent. Mais nous baigner dans leurs flots glacés risquerait d’annihiler notre ardeur à l’effort qu’en boire serait susceptible de nous empoisonner. Il nous faut donc passer cette épreuve, cette tentation et continuer notre route, continuer jusqu’au seuil de notre périple : la Tête Noire.
Elle se présente au bout de cette ultime et interminable ascension et elle porte bien son nom.
On croirait un volcan veiné de coulées de soufre. Il écrase, hostile depuis un mur raide à la roche boucanée de rouille.
Lui fait face, une pointe blanche perçant l’azur, si bien qu’entre les deux, nous sommes l’homme humble, aux prises avec ses émotions, le bien, le mal et sa voie semée d’embûches qui grimpe… vers le ciel.
Le paradis ?
Le lac de la Noire, sur notre côté, renvoie le reflet de nos corps harassés, fourbus qui arpentent sa montagne. Ou bien est-ce le reflet de nos âmes à la surface d’un puit de tourments ?
Sa placidité et sa limpidité fascinent.
Puis survient sous nos pieds, la roche du col de la Tête Noire, de l’émeraude ou du jade, on ne saurait trop dire. Dans ma tête, je sais que c’est du cuivre, de la malachite mais je me prends à rêver d’être sur le trésor que garde le dragon du Queyras.
Ce sera mon ultime moment de gloire avant de passer le col, entamer la descente jusqu’à Saint-Véran, son arrivée dans le village, la bière bien fraîche et mon épouse qui m’attend.
Je repars vidé d’énergie, mais rempli des richesses de la montagne. Merci Trail des Etoiles 05

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